Deportierte während der „Nacht und Nebel“ Aktion
![]() En décembre 1941, les trois textes qui composent le décret Keitel [1] présentent le cadre de la procédure « Nacht und Nebel ». Le premier, daté du 7 décembre, expose les directives (Richtlinien) d’application du décret qui prévoyait la déportation d’hommes et de femmes ayant commis des actes constituant une menace pour la puissance occupante et pour lesquels une condamnation à mort rapide ne pouvait être obtenue avec certitude. Les tribunaux militaires de zone occupée devaient alors se dessaisir des dossiers au profit d’une juridiction civile ou militaire du Reich. Ce premier texte est suivi, le 12 décembre, d’une note d’accompagnement et de la première ordonnance d’application. Ce tournant de la politique répressive allemande dans les territoires occupés de l’ouest s’explique par l’essor de la résistance à l’occupant, suite à la rupture du pacte germano-soviétique qui marque l’entrée en guerre de l’URSS, entrainant du même coup le déclenchement de la lutte armée, et aux difficultés grandissantes des autorités allemandes à endiguer les actes pouvant nuire à sa sécurité. Entrent dans le cadre du décret les attentats aux personnes, le sabotage, l’espionnage, les menées communistes, la détention d’armes [2], l’aide à l’ennemi et la fomentation de troubles. Déportés en Allemagne vers des prisons de prévention, les détenus devaient, par la suite, être jugés par les juridictions compétentes. Par l’ordonnance du 7 février 1942, le Sondergericht (tribunal spécial) de Cologne avait été choisi pour juger les affaires de NN de France, Dortmund s’occupant des ressortissants de Belgique et des départements du Nord et du Pas-de-Calais, rattachés au commandement militaire allemand de Bruxelles le 18 juin 1940. Suite aux bombardements de la région rhénane par l’aviation alliée en 1943 [3], un transfert de compétences de la Rhénanie à la Silésie s’opère et les tribunaux de Breslau [4] et d’Essen sont désormais en charge des dossiers des NN. En attendant leur jugement, les détenus sont internés dans des prisons préventives à proximité du tribunal s’occupant de leur affaire, parfois pour de longues durées, voire indéfiniment, en raison de l’engorgement des juridictions. Une fois jugés, les chemins des condamnés diffèrent selon qu’il s’agit d’hommes ou de femmes et de la condamnation, à une peine de prison (Gefängnis) pouvant aller de 1 à 12 ans, ou aux travaux forcés (Zuchthaus). Il s’agit là des cas entrant dans le cadre strict de la procédure telle qu’elle a été définie par le décret Keitel. Pour d’autres, l’adjonction du sigle se fera plus tard, alors qu’ils se trouvaient déjà sur le sol allemand. Il s’agit de détenus déjà condamnés en France, déportés depuis les prisons de Fresnes, La Santé ou Aix-la-Chapelle, alors placées sous l’autorité de la Wehrmacht, vers des centres de détention allemands, sans qu’il soit question de les rejuger. Condamnés pour des actes tombant sous le coup du décret, ils sont par la suite « rattachés » à la procédure au cours de leur internement. D’autres détenus, jugés en Allemagne, font également l’objet de cette assimilation à une procédure dans le cadre de laquelle ils n’avaient pu être déportés, leur départ en Allemagne étant antérieur au décret. Il s’agit d’hommes et de femmes arrêtés dans le cadre de deux grandes opérations de l’Abwehr, connues sous le nom de Porto et Continent, dont le « rattachement » intervient en octobre 1942. Les camps de concentration ne jouent, dans un premier temps, aucun rôle, que l’on se place dans le cadre strict de la procédure Nacht und Nebel ou dans les cas de rattachements postérieurs à celle-ci. Le 30 juillet 1944, le décret « Terreur et sabotage » marque la fin de la procédure et, le 2 septembre suivant, la Wehrmacht donne son accord pour le transfert à la Gestapo des NN jusque là sous son autorité, entrainant du même coup leur internement en camp de concentration sans qu’ils perdent la qualité de NN. Les femmes prennent alors le chemin de Ravensbrück à l’automne 1944 alors que les internés de Sonnenburg, lieu de détention de nombre des hommes NN, sont dirigés sur Sachsenhausen à la mi-novembre. Mauthausen n’est concerné par ce changement qu’indirectement et tardivement, en raison de la décision prise par les autorités allemandes de transférer en Autriche une partie des détenus de camps situés à proximité des fronts. Les 16 et 26 février, 260 et 132 hommes, dont une quarantaine sont étiquetés NN, sont acheminés à Mauthausen depuis le KL de la banlieue berlinoise. Le 7 mars suivant, 570 Françaises franchissent les portes du camp central. Parmi elles se trouvent plus de 250 femmes déportées dans le cadre strict de la procédure NN ou, plus fréquemment, rattachées par la suite à celle-ci. Alors que le sigle NN n’a pas constitué un critère de choix des détenus dans l’organisation des convois d’évacuation de Sachsenhausen, il est celui qui a été retenu dans le cas de Ravensbrück. Minoritaires parmi les Français déportés à Mauthausen, la présence des NN n’en est pas moins significative quant à la place toute particulière qu’ils occupent au sein des politiques répressives des autorités allemandes en France occupée. Adeline Lee [1] Le maréchal Wilhelm Keitel était chef de l’Oberkommando der Wehrmacht (Haut commandement de la Wehrmacht). [2] Y compris les armes de chasse à compter de l’ordonnance d’application du 16 avril 1942. [3] complexe pénitentiaire de Klingelputz, siège du tribunal de Cologne, est fortement touché lors du bombardement de la ville le 3 juillet 1943. [4] Wroclaw en polonais. [5] Commandement militaire allemand pour la Belgique et le nord de la France. [6] Laurent THIERY, « Les spécificités de la répression dans le Nord-Pas-de-Calais, ‘zone rattachée’ au Commandement militaire allemand de Bruxelles », in Bernard GARNIER, Jean-Luc LELEU, Jean QUELLIEN (dir.), La répression en France, 1940-1945, Caen, CRHQ, 2007 (dir.), La répression en France, 1940-1945, Caen, CRHQ, 2007, p. 137. [7] On lira l’article de Serge Choumoff : « Il y a quarante ans, l’exécution de 116 otages le 21 septembre 1942 », in Le Monde juif, la Revue du Centre de Documentation Juive Contemporaine, octobre-décembre 1982, n° 108, pp. 151-159, mais également l’ouvrage de Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville, un camp allemand en France, 1940-1944, Paris, Tallandier, 2005. On pourra également se reporter à la synthèse proposée par Thomas Fontaine et Adeline Lee, « Les arrivées de Français et de déportés partis de France à Mauthausen (1940-1945). Première synthèse et pistes de travail », in Amicale de Mauthausen, Regards croisés sur le camp de concentration nazi de Mauthausen. Archives – Mémoire – Histoire, Amicale de Mauthausen, coll. Cahiers de Mauthausen, 2010, pp. 18-46. [8] À cette date, 17 otages français du Nord-Pas-de-Calais sont immatriculés en même temps que les otages extraits deux jours auparavant du fort de Romainville auxquels ils avaient été joints en cours de route. [9] CDJC, XLV-a46. [10] CDJC, XLV-58. [11] Détenus de sécurité. [12] « Victimes expiatoires », terme qui remplace celui d’otage (Geisel) au printemps 1942. [13] Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Liquider les traîtres. La face cachée du PCF, 1941-1943, Paris, Robert Laffont, 2007, 511 p. [14] Joseph de la Martinière, Le décret et la procédure Nacht und Nebel, 2e édition, p. 47. [15] Celles-ci sont mentionnées sur le registre du fort de Romainville, AN F/9/5578. [16] On lira le livre de Claude ANTOINE, L’Angoisse de l’aube. L’odyssée de Maurice Antoine pendant la seconde guerre mondiale, La Fontaine de Siloé, 1996, 270 p. En construction |
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